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Candy Côte d'Ivoire
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L'affaire Sanwi

L'affaire Sanwi

Le roi Actuel du Sanwi, Amon N'Douffou IV

Le roi Actuel du Sanwi, Amon N'Douffou IV

Coucou la CandyFam,j’espère que vous allez bien ! De mon côté, tout va très bien (bon je pense que je devrais changer d’introduction mais ne vous inquiétez pas, j’y pense sérieusement lol). 

 

Lorsque que j’ai commencé à bloguer sur la culture ivoirienne, je me demandais sans cesse si j’aurais toujours de la matière, du contenu sur lequel je pourrais écrire et j’avais très peur de me rendre compte que finalement ma culture n’était pas si riche mais c’était mal connaître la culture ivoirienne ! En effet, à force de chercher et lorsqu’on s’autoproclame « archéologue 2.0 » (rires), on finit toujours par découvrir des histoires intéressantes et insolites comme l’affaire du Sanwi, ce royaume à l’est de la Côte d'Ivoire qui souhaitait devenir un état à part entière et réclamait son indépendance vis à vis du reste de la Côte d'Ivoire. Retour sur une histoire qui a failli diviser le pays et détériorer nos relations diplomatiques avec le Ghana. 

 

1959, alors que Félix Houphouët-Boigny prépare l’indépendance de la Côte d'Ivoire, le roi du Sanwi, Amon N’douffou III revendique l’indépendance de son royaume vis-a-vis du reste du pays. Cependant pour que la demande du roi aboutisse, il faut que la France réitère le traité du 4 juillet 1843 signé entre le lieutenant de vaisseau Fleuriot de Langle et le roi Amon N’douffou II. Petit bémol, le traité est devenu caduque à la fin de la colonisation, de plus, la  Côte d’Ivoire est la chasse gardée d’Houphouët-Boigny et le président français, De Gaulle, très proche de son futur homologue ivoirien, n’osera pas le vexer. Tout s'annonce alors très compliqué pour le royaume du Sanwi mais sa majesté Amon N'douffou III, n'en démordera pas pour autant!

 

Afin de mieux comprendre l'affaire Sanwi, il faut remonter quelques années en arrière avant la colonisation et comprendre la situation géographique du royaume. Le royaume du Sanwi est situé dans le Sud-Est de la Côte d’Ivoire, non loin du Ghana et les autochtones de ce royaume sont les Agni et les Ehotilé. Ainsi à leur arrivée en Côte d’Ivoire, les explorateurs français auront leurs premiers contacts avec les Agni et les Ehotilé du Sud-Est. Ils signeront des traités avec eux notamment le traité de 1843 puis installeront des comptoirs, des cultures notamment le café et le cacao, ainsi que des écoles dans cette zone. Le Sud-Est de la Côte d’Ivoire s'enrichira et se développera plus vite que le reste du pays et donnera à la Côte d’Ivoire, ses premiers cadres, généralement fils de riches planteurs. Cette stabilité économique entrainera alors un sentiment d'autosuffisance dans le royaume du Sanwi et sera à la base, des années plus tard de la revendication du roi Amon N'douffou III.

 

Revenons donc à notre histoire. Le 1er Mars 1959, après avoir rendu sa demande publique, le roi Amon N’douffou III, envoie deux représentants de sa cour, George Ehounou Bilé et Alphonse Ehounou Ekponon à Paris pour qu’ils transmettent sa demande à L’Élysée. Une fois sur place, en plus de transmettre leur message au palais présidentiel, les deux émissaires  contactent l’avocat Raymond de la Pradelle, à qui ils confient leur affaire. 

Aussitôt, l’avocat français contacte le secrétaire général de la présidence de la république chargée aux affaires africaines et malgaches. Les deux hommes se rencontrent : le secrétaire général explique à Monsieur de la Pradelle que cette affaire n’aboutira car le général de Gaulle ne mettra pas en péril les précieuses relations qu’il entretient avec le dirigeant de la république autonome de Côte d’Ivoire. Suite à cette entrevue, De la Pradelle informe ces clients qu’il ne pourra donner suite à leur dossier en raison des faits énoncés plutôt. Les deux représentants ne se découragent pas pour autant, et il en est de même pour le reste du camp Sanwi resté au pays car, le 3 Mai 1959 à Aboisso, le roi Amon N’douffou III proclame la république indépendante du Sanwi. À Abidjan, Félix Houphouët-Boigny apprend ce qui se passe à Paris et à Aboisso : il lance un mandat contre les deux représentants, le roi et ses ministres pour atteinte à la sûreté de l’Etat. À Paris, George et Alphonse Ehounou sont arrêtés,  rapatriés à Abidjan et mis en prison avec le roi du Sanwi et ses ministres. Raymond de la Pradelle apprend la nouvelle et se rend immédiatement à Abidjan. Lors de sa visite en prison, les détenus l’informent qu’un “gouvernement provisoire” avec à sa tête Ernest Attié, le beau père de Georges Ehounou, a réussi à s’échapper et est à présent à Accra, au Ghana sous la protection de Kwamé N’Krumah, l’ennemi juré d’Houphouët-Boigny, de quoi envenimer encore plus la situation. À Accra, les réfugiés politiques sont des invités de marque: ils sont bien logés, reçoivent des allocations, et leurs enfants bénéficient d’une scolarité gratuite.  Malheureusement, la situation est bien différente pour leurs confrères restés au pays car le 2 Mars 1960, le Juge rend sa décision : le roi, ses ministres et ses deux représentants sont condamnés à des peines allant de 5 à 10 ans de prison. Néanmoins la décision du juge n’est pas uniquement basée sur des textes de loi ! En effet, après le procès, le Juge Crepy, le Juge français en charge de cette affaire,  croise Raymond de la Pradelle et se confie à lui. Il lui dit alors qu’au temps de la colonisation, les clients de la Pradelle auraient été libérés aussitôt et qu’il avait même la possibilité de le faire cependant une telle décision entraînerait son licenciement et son retour immédiat en France. Ah conflits d’intérêt quand tu nous tiens ! 

 

Une fois, les  “ indépendantistes” en prison, le futur président Félix Houphouët-Boigny peut souffler et continuer à préparer sereinement l’indépendance de la Côte d’Ivoire car il faut le dire, l’affaire Sanwi est sa véritable première  crise politique. Le 7 Août 1960, la Côte d’Ivoire célèbre son indépendance, le pays baigne dans une allégresse sans précédent et lorsque tout semble aller pour le mieux, l’affaire Sanwi resurgit. 1961, les prisonniers politiques sont finalement libérés. Ils se rendent immédiatement au Ghana. Non loin d’être découragés, les indépendantistes passent à l’attaque une fois de plus : ils soumettent leurs dossiers à l’ONU et à la Cour Internationale de la Haye. À nouveau, ils essuient un autre échec car ces deux instances internationales refusent de donner une suite à leur histoire. Néanmoins, le pire reste à venir pour le gouvernement Sanwi qui va sombrer dans une spirale infernale: des tensions naissent au sein des membres, le premier ministre Ernest Attié, échappe à une tentative d’assassinat et le roi s’éprend de la femme de son premier ministre et bien que le président N’Krumah  s’attelle à apaiser les tensions entre ses protégés, il est renversé  le 24 Février 1966. Le Coup d’État du président ghanéen marque ainsi un tournant décisif dans l’affaire Sanwi. Ne bénéficiant plus de la protection de leur hôte ghanéen et  le nouveau gouvernement ghanéen soucieux de  rétablir de bonnes relations avec la Côte d’Ivoire, rapatrie tous les membres du camp Sanwi et leurs familles en Côte d’Ivoire. Ils seront ensuite mis en exil dans leurs villages respectifs. 

À leur retour en Côte d’Ivoire, le président Félix Houphouët-Boigny s’adresse aux anciens réfugiés politiques en ces termes “ En votre absence voici ce que nous avons réalisé. Joignez-vous à l’œuvre de construction du pays”. Le président semble avoir tourner la page et est prêt à repartir sur de nouvelles bases avec les indépendantistes. Tout rentre alors dans l’ordre et là on pourrait s’attendre à un “happy end”, nos indépendantistes n’ont pas dit leur dernier mot. 

Trois ans plus tard, les indépendantistes du  Sanwi remettent reviennent à la charge avec comme nouvel argument cette fois, la guerre du Biafra. En effet, selon eux si le président Félix Houphouët-Boigny supporte les sécessionnistes du Biafra qui souhaitent obtenir leur indépendance du Nigéria, il ne devrait en faire de même pour eux. L’histoire se répète une fois de plus, tous les indépendantistes sont encore arrêtés mais cette fois la mort du roi Amon N’douffou III met définitivement fin à cette histoire.

 

C'est ainsi que se termine, mon article sur le royaume du Sanwi, j’espère qu’il vous aura plus, n’hésitez pas à partager et à me laisser des commentaires et à vous abonner à la page Instagram et Facebook pour plus d’informations croustillantes sur la culture ivoirienne. À très bientôt !